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février 16, 2023Au début des années 1850, de nombreuses habitudes changent avec la croissance industrielle. Les habitudes de consommation se modifient et une nouvelle élite sociale émerge en France. Cette nouvelle classe se prend d’admiration pour l’éblouissante cour impériale de Napoléon III, et s’amuse à reproduire un peu de ce luxe dans des hôtels particuliers. Ce sont de grands fortunés grâce à de toutes nouvelles industries ou grâce aux finances, et tous se plaisent à laisser libre cours à leurs caprices en termes d’intérieurs. C’est dans ce contexte qu’une nouvelle profession devient particulièrement à la mode : celle de décorateur pour ces fans d’apparence qui veulent revendiquer leur situation sociale.
Tout commence véritablement ici, et les époques successives modifieront le métier.
Retour sur l’évolution de la décoration d’intérieur au fil de l’Histoire. (Ph couverture © Les Arts Décoratifs / Photo : Jean Tholance)
La décoration d’intérieur existe depuis de nombreux siècles bien entendu, par le biais des architectes pendant longtemps, et se développe considérablement au 19ème siècle.
C’est à cette période que la grande suprématie des architectes en matière de décoration intérieure est remise en question, puisqu’un nouveau métier à part entière éclos : celui de décorateur.
En somme, ce qui n’était qu’un seul et même métier auparavant se divise pour laisser naître deux branches distinctes.
Nous sommes alors dans les années 1840-1850 et la fonction de décorateur émerge véritablement. Il s’agira alors de laisser place à une nouvelle génération d’artisans capables de penser avec goût la distribution des pièces, l’atmosphère intérieure, l’enchaînement des espaces, ainsi que la disposition du mobilier et des objets, afin de la rendre la plus élégante et pratique possible.
Le décorateur le plus emblématique de cette période est alors Eugène Lami, décorateur pour la famille Rothschild. En 1844 déjà, le duc d’Aumale Henri d’Orléans faisait appel à lui pour l’aménagement de ses appartements privés au château de Chantilly, ce qui inspire ensuite le duc d’Orléans qui en fera de même pour ses appartements aux Tuileries.
Le regard sur la beauté des intérieurs se modifie, et désormais le foyer doit être autant que possible un reflet de ses habitants et tendre vers l’idée de l’œuvre d’art totale.
Il est par la suite chargé par le baron James de Rothschild de la décoration du château de Ferrières et du château Rothschild à Boulogne-Billancourt.
Plus tard arrivera un autre décorateur très marquant, Raoul Dufy.
À la fois peintre, décorateur, dessinateur, graveur et illustrateur, Raoul Dufy n’établit aucune frontière entre les arts et décomplexe totalement sa créativité.
Puisqu’il le souhaite, il touchera à tous les supports et s’épanouira principalement comme artiste peintre et comme décorateur en créant à la fois des tissus, des céramiques, des tapisseries et du mobilier, afin de venir penser l’aménagement de nombreux intérieurs mais aussi de scènes de théâtreset d’espaces publics.
Selon lui, les arts décoratifs doivent être abordés avec curiosité et engouement, faisant de tous les matériaux une source de créativité sans limite.
Son crédo devient alors célèbre : « Concevons en artiste et exécutons en artisan ».
Raoul Dufy passera donc à un moment de sa vie de la gravure à la décoration, sous l’influence du grand couturier Paul Poiret, et s’attèle à la création d’objets d’ameublement et de papiers peints, édités par les Ateliers de Martine.
Le début du 20ème siècle marquera un nouveau tournant : en entrant dans les années 1900, l’art, l’architecture et l’industrie se mêlent peu à peu et inventent de nouveaux codes.
L’industrie se développe encore davantage et accouche d’un phénomène inédit, celui de la production de masse. C’est à cette époque que les besoins sociaux se modifient rapidement. La société évolue, de nouveaux matériaux apparaissent ainsi que de nouvelles techniques.
L’esthétique change, se fait plus moderne et entend désormais associer la beauté à l’utilité.
Le décorateur s’attaque alors à tous les détails de l’intérieur, des meubles jusqu’aux tableaux, en passant par les vases, le papier peint, la moquette, les objets, les rideaux…
En avançant dans le siècle, la profession de décorateur deviendra même véritablement reconnue, puisqu’en 1949 le tout premier diplôme est créé pour venir certifier la capacité de certains à pratiquer ce métier.
De quoi cristalliser toute la rivalité entre les architectes et les décorateurs qui sont désormais considérés comme deux professions parfaitement légitimes.
Dès les années 1910, le mouvement Art Déco avait ouvert la voie du renouveau avec toute une génération de pionniers de la décoration d’intérieur.
Le mobilier Art déco est ainsi créé par des artistes décorateurs qui pensent des objets destinés à une clientèle aisée, très intriguée par la nouveauté et la modernité.
Des meubles d’un nouveau genre sont donc réalisés par des ébénistes, soucieux de véhiculer une idée de luxe et de perfection.
La pureté des formes fait la part belle à la géométrie et soigne de plus en plus l’aspect décoratif des lieux. Très influent, y compris dans l’architecture et le design, ce mouvement décoratif touchera peu à peu à toutes les formes d’arts plastiques.
Ce mouvement Art déco sera par ailleurs le premier style décoratif à susciter un engouement mondial : la Belgique et la France exportent cette esthétique vers le Portugal, l’Espagne, l’Afrique du Nord et tous les pays anglo-saxons comme le Royaume-Uni et les États-Unis principalement.
Rapidement, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Inde, les Philippines, le Viêt Nam et le Japon suivront ce mouvement initial.
Parmi les plus grands décorateurs de cette époque, Jacques-Emile Ruhlmann, Paul Iribe, Eileen Gray, Louis Süe, Maurice Dufrêne, Jean Dunand, Pierre Chareau, Eugène Printz, Jean-Michel Franck restent des figures incontournables.
Au début des Trente Glorieuses, les revendications professionnelles des décorateurs évoluent. La profession essaye d’imposer de nouveaux termes pour évoquer sa pratique et essaye d’imposer le statut de « créateur ».
Les décorateurs doivent alors afficher des compétences bien spécifiques pour tenter de parachever leur processus de professionnalisation auprès des pouvoirs publics. Le projet d’un Ordre des Artistes décorateurs est alors imaginé mais ne voit malheureusement pas encore le jour. La guerre est derrière et les décorateurs tentent d’activer un processus de reconnaissance officielle.
La Société des Décorateurs français, la SDF, est fondée en 1947 et ne tardera pas à proclamer son principe phare : le décorateur doit bien allier des compétences techniques et artistiques.
Les membres de cette association professionnelle rassemblent ainsi des créateurs d’espace et d’ambiance qui souhaitent imaginer le « cadre de la vie contemporaine », mais ces décorateurs ne tarderont pas à collaborer de nouveau de façon très étroite avec les architectes. L’heure est en effet à la reconstruction du pays et il s’agit de produire de nouveaux bâtiments.
La fin du 20ème siècle et l’arrivée du 21ème siècle fera naître ensuite le « design d’espace ».
Ce nouveau domaine pluridisciplinaire est intimement lié à l’évolution du design et à l’évolution même du monde en général.
Les futurs usagers sont alors davantage pris en compte dans la création de l’espace, en anticipant davantage leurs besoins, leur circulation dans l’espace, et la durabilité de leur présence.
Cette notion nouvelle touche alors à l’extérieur de l’édifice, tout comme à son intérieur : peu à peu, le décorateur d’intérieur devient de plus en plus designer et s’attaque à des projets moins cloisonnés.
Le métier de designer d’espace naît et recouvre en effet un champ de réflexion bien plus large : qu’il s’attache à réaménager l’espace intérieur d’une habitation, la composition d’une exposition, la conception d’espaces extérieurs, aménagement urbain, organisation nouvelle de l’espace…
Cette branche nouvelle dans la décoration d’intérieur a alors pour but de proposer une nouvelle vision de la fonction d’un lieu et de s’attacher à une compréhension différente du comportement des usagers. L’observation devient de plus en plus importante, puisque le designer d’espace conçoit des lieux de vie optimisés pour ses résidents.